Tuesday 16 September 2008

V'là l'bon vent

J'ai fait un petit voyage en train aujourd'hui, le chemin de fer passait près de la Tamise, il y avait pleins de canards et d'oies sur les berges. Voilà un autre aspect de l'automne que j'aime: la présence de la sauvagine. Pour une raison quelconque, j'aime les canards. J'aime aussi leur foie, ce qui choque ma femme, qui est végétarienne. Voir les oies et les canards un jour d'automne (automne qui se rafraîchit) m'a fait penser à la chanson V'là l'bon vent, que j'ai toujours aimée pour ses accents mélancoliques et pour son histoire un cruelle. Elle m'a donné de l'empathie pour les canards, ce qui me donne des remords quand j'en mange, mais (au grand déplaisir de ma femme) ne coupe pas mon appétit. Mon père est par moments chasseur. Enfant j'admirais beaucoup ce sport, que je considérais plus comme un métier saisonnier, même si de ma mémoire on n'a jamais mangé le gibier qu'il a tué. À l'occasion, mon père allait à la chasse au gros gibier, mais il était surtout amateur de chasse à la perdrix et de chasse aux canards. Or, dans la chanson, la chasse n'a rien d'admirable: le fils du roi est cruel et tue une créature sans défense dont il ne semble pas manger la chair. Il est vrai que le mystérieux narrateur blâme le prince d'avoir tué le canard blanc, pas le noir qu'il visait, et précise que le canard était son canard (au narrateur, pas au prince). Cela m'a toujours semblé bizarre: le fils du roi ne chassait pas le canard sauvage mais le canard d'un quidam? Il était voleur et prince! Je soupçonne la chanson (d'origine acadienne il semblerait), d'avoir une signification historico-politique et religieuse (enfin la version que je connais le plus, il en existe des centaines et le sens change de l'une à l'autre): le fils du roi doit être anglais (dont Protestant), il s'empare par la violence d'un bien des Acadiens/canadiens français (et catholiques). Le canard blanc, pur comme un agneau sans tache, est une figure messianique: sa souffrance est celle d'un homme, il vit sa passion en agonisant. Mais ce sont les locaux qui vont ultimement profiter des richesses que le canard donne avec sa mort (les plumes pour faire un lit de camp, dans certaines versions de l'or et des diamants). Ultimement, c'est le peuple français d'Amérique qui l'emportera. Cela dit, peut-être que je vais chercher trop loin. Enfant, la chanson m'a seulement conscientisé face au sort des animaux: ce n'étaient plus des proies. Et la monarchie était une institution cruelle et malfaisante.

Vous pouvez en voir une interprétation absolument mignonne ici.

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